L’Aquitaine est l’une des régions qui se réchauffent le plus. Un rapport scientifique confronte l’état des lieux aux prévisions (pessimistes) sur le futur.
« Il est difficile de faire des projections car des données manquent encore et l’interprétation se base sur des modélisations faites à d’autres échelles. Néanmoins, nous avons quelques certitudes », explique Franck d’Amico. Professeur de biologie à l’université de Pau et des pays de l’Adour, il a coordonné la partie consacrée à la montagne (voir encadré).
S’agissant de la biodiversité, plusieurs espèces font l’objet d’un suivi. C’est le cas du papillon Apollon, dont l’aire de distribution est susceptible de se réduire de 35 à 63 % selon les scénarios du réchauffement. Or, affirme le chercheur, « la perte d’espace engendre des conséquences, par exemple un dysfonctionnement dans la reproduction des plantes hôtes ». En l’occurrence, dans les Pyrénées, la famille des crassulacées.
Le biologiste s’inquiète également du devenir d’animaux spécifiques à la région, comme la grenouille ou le lézard des Pyrénées « que l’on ne trouve qu’en Béarn. Il n’est connu que d’un petit nombre de spécialistes, on n’a pas vraiment de recul par rapport à lui. Le fait d’avoir, entre la vallée d’Aspe et la vallée d’Ossau, deux espèces d’intérêt patrimonial nous confère une responsabilité. »
La diminution du manteau neigeux pose la question de l’avenir de l’activité touristique liée aux sports d’hiver. « L’hiver dernier et sa neige abondante nous ont appris l’importance des événements extrêmes », souligne Franck d’Amico. Pour autant, prévient-il, « les gestionnaires doivent commencer à s’interroger : si, en 2050, il ne reste plus de neige qu’en haute altitude, que se passe-t-il plus bas » ? Dans une tendance qui incline vers la réduction de l’enneigement et de sa durée, « il va falloir raisonner en termes d’intersaisons », pense-t-il. Autrement dit : « Que fait-on durant les saisons sans neige, c’est un vrai débat. »
Des interrogations portent aussi sur l’avenir du pastoralisme. Une expérimentation est en cours à la Pierre-Saint-Martin pour étudier la complexité des effets entre le changement climatique, les interactions entre les espèces et les modes de gestion des hommes…
Plus de 150 chercheurs issus des laboratoires aquitains
Le mois dernier a été présenté le rapport scientifique sur « Les Impacts du changement climatique en Aquitaine ». Publiée aux Presses universitaires de Bordeaux, l’étude est désormais accessible au grand public (366 p., 25 €). Ce travail constitue une première à l’échelon d’une région. « On n’apporte pas les bonnes réponses si on ne s’adosse pas à la connaissance », a justifié Alain Rousset, président du Conseil régional d’Aquitaine, qui a commandé le rapport.
Autour d’Hervé Le Treut, climatologue d’origine bordelaise, membre de l’Académie des sciences et du Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (Giec), plus de 150 chercheurs issus des laboratoires aquitains ont été mobilisés. Le sujet d’étude a été abordé de façon pluridisciplinaire, en intégrant, au-delà des modifications de la biodiversité et des milieux physiques, les conséquences éventuelles sur l’homme, les activités humaines et l’aménagement du territoire.
Ce rapport n’est pas « prédictif », comme le souligne Hervé Le Treut, il ne dit pas « voilà à quoi ressemblera l’Aquitaine en 2050 ou en 21 00 ». De manière plus pragmatique, son objet est de bien identifier « les points de vulnérabilité » de la région et de les confronter à des scénarios d’élévation de la température, de 2 degrés dans l’hypothèse basse à 5 degrés dans le scénario extrême. Sachant, comme le précise le climatologue, que « 95 % des gaz à effet de serre au-dessus de nos têtes viennent d’ailleurs ». Positionnée entre l’anticyclone des Açores et la dépression d’Islande, l’Aquitaine est « sur une trajectoire pessimiste », affirme-t-il. « Notre région compte parmi celles qui se réchauffent le plus. La température y a augmenté de plus de 1 degré au cours du dernier siècle. »