Le réchauffement climatique va se poursuivre… et la région ne sera pas épargnée
Le réchauffement climatique est confirmé, ça ne va pas aller en s’arrangeant, selon le nouveau rapport des experts du climat du Giec. Les événements climatiques extrêmes devraient se multiplier.
Réuni depuis lundi à Stockholm, le Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui réunit 259 experts de 39 pays, finalise un rapport très attendu qui sera publié en quatre temps, jusqu’en octobre 2014. Les principales conclusions de la première étape du 5ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sont publiées vendredi.
Pas de bonne nouvelle
L’état des lieux le plus complet et le plus actualisé sur l’ampleur et les impacts attendus du réchauffement ne comporte pas de bonne surprise : son premier volet confirme les conclusions alarmantes sur le réchauffement de la planète. La seule différence avec le précédent rapport, en 2007, c’est que les scientifiques ont encore plus la certitude que les changements climatiques se poursuivent et qu’ils sont essentiellement liés à l’activité humaine. Comme l’a affirmé le président du Giec, Rajendra Pachauri en ouvrant la réunion : « Les preuves scientifiques du (…) changement climatique se sont renforcées année après année, laissant peu d’incertitudes à part ses graves conséquences ».
+ 4,8° C d’ici à 2100
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) avait déjà annoncé la couleur au début de l’été : selon un rapport publié en juillet dernier, la décennie 2001-2010 a été la plus chaude qui ait été constatée depuis le début des mesures systématiques, en 1850. Depuis le début de l’ère industrielle, la température moyenne de la planète s’est réchauffée de 0.8°C, dont 0,6°C au cours des cinquante dernières années. Une surchauffe d’une intensité inédite sur une durée de temps aussi courte dans l’histoire du climat de la Terre, qui devrait se poursuivre. Selon le Giec, la hausse des températures va se poursuivre et pourrait atteindre 4,8 degrés Celsius d’ici à la fin du siècle.
Malgré une pause, le réchauffement va se poursuivre.
Pas d’espoir du côté du ralentissement du réchauffement constaté récemment: le Giec souligne que de telles pauses (« hiatus ») de 15 ans sont fréquentes. Les experts en concluent que les températures vont reprendre leur hausse dans les années à venir. En clair : ce n’est pas parce que le printemps 2013 a été particulièrement froid, pluvieux et pourri sous nos latitudes ou que l’été 2013 a été froid en Arctique, avec une augmentation de la surface de la banquise de 60% par rapport à l’été 2012 que le climat se refroidit.
Les activités humaines en cause.
Pour le Giec, les seuls facteurs naturels ne permettent pas d’expliquer le réchauffement moyen constaté à partir de la seconde moitié du XXème siècle. Même si cela est dit avec précaution, les activités humaines et en premier lieu la combustion des énergies fossiles, constituent « avec une probabilité d’au moins 95% », la cause principale du réchauffement de la planète depuis les années 1950. « Il y a une certitude élevée sur le fait que (l’activité humaine) a réchauffé les océans, fait fondre la neige et la glace, élevé le niveau moyen global des mers et modifié certains extrêmes climatiques », précise le rapport.
Le rôle des gaz à effet de serre.
Au banc des accusés, l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, dont principalement le CO2, produits par l’usage croissant du charbon, du pétrole et du gaz naturel. La concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 39% depuis le début de l’ère industrielle, en 1850. Le CO2 n’est pas le seul gaz en cause : l’effet de son augmentation est presque doublé par celui des émissions de méthane, de protoxyde d’azote, de fréons, ou encore par l’augmentation de l’ozone des basses couches de l’atmosphère, un produit indirect des activités humaines.
Davantage de phénomènes climatiques extrêmes.
Autre certitude du rapport du Giec : si les gouvernements ne réduisent pas de manière drastique les émissions de gaz à effet de serre, les événements extrêmes comme les vagues de chaleur, sécheresses, tempêtes, fortes précipitations ou inondations, conséquences directes de ce réchauffement climatique, devraient se multiplier et gagner en intensité. Cela devrait « parler », comme on dit, aux victimes des crues et des inondations qui ont ravagé les Pyrénées et le Sud-Ouest de la France au printemps dernier.
Une hausse plus élevée que prévue du niveau des océans.
Les climatologues revoient à la hausse la montée attendue du niveau de la mer, dont le danger ne concernera pas que les atolls du Pacifique, déjà menacés de submersion. Les experts estiment que le niveau des mers, qui s’est élevé de 19 cm au XXe siècle, pourrait encore augmenter de 26 à 81 cm d’ici à la fin du siècle, ce qui menacerait de nombreuses régions côtières à travers le monde. Une projection plus forte qu’en 2007, même si le Giec ne prend pas pleinement en compte l’impact de la fonte accélérée des banquises aux pôles, encore mal évalué.
Chaud devant en Aquitaine.
Les conclusions du Giec rejoignent celles du rapport scientifique, coordonné pour la région Aquitaine par Hervé Le Treut, climatologue et membre du Giec, publié début septembre. L’étude « Prévoir pour agir, la Région Aquitaine anticipe le changement climatique' »estime qu' »il est nécessaire d’envisager les conséquences d’une élévation de la température moyenne globale de l’ordre de 4°C ou 5°C. »
Selon le climatologue, présent à Stockholm, l’Aquitaine devrait connaître un réchauffement climatique plus important que le réchauffement moyen global et certains modèles envisagent même « des réchauffements en fin de siècle de plus de 6°C et des relèvements du niveau de la mer bien supérieurs à un mètre ». Pour la région, les conséquences seront de taille, sur la vigne et les vendanges, la forêt, la pêche, la qualité de l’eau, les énergies (nucléaire et renouvelables), la qualité de l’air, la santé, le littoral, l’agriculture, la biodiversité… Les vagues de chaleur vont devenir plus fréquentes, les glaciers des Pyrénées pourraient avoir totalement disparu en 2050, et l’érosion du manteau neigeux va s’accélérer. Les zones littorales, les zones humides et fluviales, l’estuaire de la Gironde vont subir l’augmentation du niveau des eaux. L’érosion marine menace les côtes sableuses, comme à Soulac, Lacanau… Pour le climatologue, s’il reste des incertitudes, « c’est un risque que l’on ne peut ignorer ».
Pas de fatalité.
Pour le Giec, comme pour l’étude pilotée par Hervé Le Treut sur l’Aquitaine, la hausse de la température peut être contenue si l’on agit. Comment ? Il y a désormais deux priorités concomitantes et urgentes : opérer une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre qui continuent de s’accélérer, tout en préparant une adaptation préventive au changement climatique. Si les gouvernements qui se sont fixé pour objectif de limiter cette hausse à 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels, s’ils tiennent leurs engagements et parviennent à un accord sur le climat fin 2015 sous l’égide de l’ONU, le pire peut être évité.
Deux bémols :
la lutte contre le réchauffement climatique semble reléguée au second plan des priorités des gouvernements, plus soucieux de relancer l’économie mondiale, comme l’a illustré en 2009 l’échec du sommet de Copenhague. Et si les populations concernées, comme Hervé Le Treut le rappelle, « doivent être informées des évolutions à venir » afin de participer à la réflexion et à l’action collective, c’est encore loin d’être le cas.